Le point sur le projet éolien de Haut-Ittre



Nous vous en parlions le mois passé, un projet de construction de 5 éoliennes du côté de Haut-Ittre est en cours d’études. La première phase du développement du projet est arrivée à son terme. Les citoyens avaient jusqu’au 5 mars dernier pour poser leurs questions en vue de l’étude d’incidences qui sera réalisée par un bureau d’études agréé. Au total, plus de 130 questions ou demandes d’informations sont arrivées à l’administration communale d’Ittre. A cela, il faut ajouter les demandes envoyées directement au promoteur, à savoir VDH DEV (Vents d’Houyet), et aux autres communes impactées par le projet (Braine-l’Alleud, Braine-le-Château, et Nivelles). On l’a vu, sur les réseaux sociaux, le sujet déchaine les passions. Entre les opposants et les partisans, entre ceux qui se sentent touchés au plus profond et ceux qui veulent prendre du recul, chacun veut faire entendre sa voix. Le Petit Tram a donc rencontré les acteurs de ce processus. En commençant par les citoyens et les riverains qui se sont mobilisés contre le projet. Ensuite, nous avons demandé l’avis d’Energ’Ittre, la coopérative ittroise dont l’objectif est d’assurer la transition énergétique sur le territoire d’Ittre. Enfin, nous avons demandé à chaque groupe politique ittrois de nous donner leur position respective par rapport au projet.

Un groupe de citoyens se pose des questions

Le 21 février dernier, alors qu’ils apprennent, un peu par hasard, qu’un projet éolien est en cours à Haut-Ittre, plusieurs citoyens se regroupent. C’est l’association « Vent de Raison », une association de défense des riverains de parc éolien qui les met en contact. Par l’intermédiaire des réseaux sociaux et de l’adresse eoliennesittre@gmail.com, le groupe s’élargit avec une vidéoconférence organisée le 24/02 (qui regroupe une septantaine de personnes) et des contacts par mail avec une centaine de personnes. « Beaucoup sont des riverains, mais il y aussi des citoyens préoccupés par l’église de Haut-Ittre (qui est un monument classé), des ornithologues amateurs ou des promeneurs qui aiment s’y balader » expliquent nos interlocuteurs.

Ronny Martin (Haut-Ittre), Bertrand Dehu (Bilot) et Francis Beck (Bois-Seigneur-Isaac) expliquent leur démarche : « Notre volonté est de regrouper toutes les personnes concernées. Nous avons des inquiétudes en termes de retombées : nuisances sonores, effets stroboscopiques, impact sur l’immobilier, etc. »

Il y a d’abord les retombées pour les riverains : « Tout le monde n’est pas prêt à venir vivre à côté d’une éolienne. Quoi qu’on en dise, cela aura une conséquence sur la valeur immobilière de notre maison. De plus, nous sommes une région densément peuplée. Aux Etats-Unis ou en Allemagne par exemple, la distance entre les habitations est beaucoup plus importante, mais, et ce n’est pas propre à Ittre, nous ne sommes pas une région propice pour cela. Doit-on nuire à la santé des gens pour installer des éoliennes ? La Région wallonne a décidé de concentrer des éoliennes sur des sites choisis. Notre crainte est que les 5 éoliennes en amènent d’autres et qu’on finisse par être entouré. » expliquent-ils.

Quelles conséquences sur l’environnement ?

« Y a-t-il un sens à installer des éoliennes dans un but environnemental alors qu’on dégrade l’environnement en les installant ? Cela aura un impact sur les rapaces, les oiseaux et les chauves-souris. Et avec le nombre de parcs éoliens qui se multiplient, ceux-ci n’auront plus d’endroit où aller. Le projet prévoit d’installer une éolienne en bordure d’une zone d’intérêt paysager. L’installer à cet endroit, c’est nier l’intérêt paysager. Et il y a un paradoxe : on développe une agriculture raisonnée sur les parcelles visées et celle-ci sera hypothéquée par ce projet. Parce qu’il y a aussi le démantèlement des éoliennes qui pose question. Les fondations demandent des tonnes et des tonnes de béton. Cela peut accroître les risques d’inondations. Et pour son démantèlement, même s’il y a mise en réserve de fonds qui y sont destinés, qu’est-ce qui nous prouveque ce sera suffisant ? »

L’éolien assurera-t-il la transition énergétique ?

Ensuite, il y la pertinence d’utiliser des éoliennes dans le cadre de la transition énergétique : « Actuellement, malgré le nombre de mats déjà installés en Belgique, l’éolien terrestre ne représente qu’1% de l’énergie totale utilisée (et 3% de la production électrique). On n’atteindra jamais 100% de la production avec des éoliennes. De plus, étant donné le caractère intermittent de la production éolienne, pour compenser le manque de vent, les éoliennes doivent être doublées par des centrales thermiques qui vont produire davantage de CO2. »

Des alternatives ?

Cela veut-il dire que le groupe de citoyens est contre la transition énergétique ? Pas du tout. « On ne va pas y arriver uniquement avec les éoliennes. Il faut trouver d’autres solutions et il y a des alternatives, comme l’éolien off-shore, le solaire photovoltaïque, la biomasse, l’incinérateur de Virginal qui pourrait produire de l’énergie avec nos déchets… Mais le meilleur moyen pour y arriver, c’est de réduire notre consommation d’énergie ! » concluent-ils.

Une affaire de gros sous ?

L’implantation des éoliennes est-elle aussi une opportunité économique ? « Oui, c’est une affaire de gros sous. On entend parler d’une allocation au propriétaire du terrain à hauteur de 20.000 EUR par an et par éolienne. Et pour le promoteur, quand on construit 5 éoliennes à 4 ou 5 millions d’euros chacune, cela représente 20 millions d’investissements. Il faut être un gros acteur financier ou industriel pour se permettre cela. Et l’aspect coopératif de Vents d’Houyet (VDH DEV), on n’y croit pas trop. Il y a un rôle sociétal qui est infime par rapport aux enjeux. C’est un écran de fumée… ».

Quelles sont les attentes du groupement citoyen?

« Nous n’existons que depuis quelques semaines et, jusqu’ici, nous nous sommes concentrés sur l’échéance du 5 mars et la formulation des demandes d’information. Actuellement, il y a autant d’avis que de riverains, nous n’avons pas de position tranchée. Le projet tel quel n’est pas adapté. Nous avons soumis une série de questions et nous attendons les réponses, on espère que l’étude d’incidences apportera des réponses… »

Braine-l’Alleud également impacté

Certaines éoliennes seraient implantées en bordure du territoire communal brainois. Un emplacement qui n’est pas du goût de Francis Beck, habitant de Bois-Seigneur-Isaac : « Dans son PAEDC (Plan d’Action pour l’Energie Durable et le Climat), la commune de Braine-l’Alleud s’est clairement positionnée contre l’éolien, pour l’impact paysager que cela représente et en privilégiant d’autres sources d’énergie durable. J’aurais mal à les voir s’implanter juste à côté de chez nous »

Où en est l’étude d’incidences ?

La procédure habituelle veut que l’étude d’incidences, qui suit la Réunion d’Information Publique, dure une année complète. Le temps d’étudier l’environnement sur un cycle complet et de répondre aux questions des citoyens. A Ittre, théoriquement, elle aurait débuter le 5 mars 2021. Pourtant, les choses ne sont pas si claires. A cause de la pandémie, le projet qui devait être présenté au public dans le courant de l’année 2020, n’a pas pu faire l’objet d’une réunion publique, pour cause de confinement et d’interdiction de rassemblement. Les promoteurs se sont donc tournés vers une présentation en ligne, qui a eu lieu fin février 2021. Dans cette vidéo, il est expliqué que, à cause de ces retards, l’étude d’incidences avait déjà commencé. Mais quand ? C’est là toute la question. En fonction de cette date, la présentation de l’étude et l’enquête publique pourront démarrer… Et les citoyens pourront à nouveau donner leur avis sur le projet.

Sans pouvoir donner de date précise, Eddy Defossez, chef de projet à VDH DEV, nous apporte des éléments de réponse : « Seuls les relevés de population d’oiseaux ont commencé en 2020. Cette étude du milieu, et les différents relevés, devraient être terminés à la fin de l’été 2021. Notre espoir est de pouvoir présenter l’étude d’incidence et de rentrer la demande de permis pour les mois d’octobre-novembre. Mais rien ne dit que des études complémentaires ne devront pas être nécessaires. Il se peut alors que cela prenne plus de temps. »

Lors de l’enquête publique qui suivra, les citoyens auront alors encore l’occasion de faire part de leurs remarques.